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Afrique du Sud : Le coût des services d'un « faux » interprète

L'événement du mémorial de Mandela en décembre 2013 dont l’objectif était de commémorer le plus grand icône du continent africain, Nelson Mandela, est devenu un cirque médiatique lorsque le président américain Barack Obama, le premier ministre britannique Cameron et le premier ministre danois Helle Thorning - Schmidt ont pris un « selfie » et une source d'embarras pour l'Afrique du Sud lorsqu’il a été révélé que l'interprète en langue des signes était un « faux » interprète.

Toutefois, l'incident le plus troublant est clairement la question de l'interprétation. Le faux interprète, connu sous le nom de « Thamsanqa Jantjie », avait la responsabilité d’interpréter les discours des dirigeants du monde en langue des signes d’Afrique du Sud (SASL), mais selon certains experts en la matière, le rendu de ces discours n’était que du « charabia » et n’avait de sens ni dans la SASL ni dans la langue des signes américaine.

Cela est regrettable pour plusieurs raisons.

La langue des signes et l'apartheid

La première est que la langue des signes a été un facteur de discrimination au cours de la période de l'apartheid. Les personnes handicapées étaient déjà victimes de discrimination, mais la langue des signes représentait un facteur supplémentaire étant donné que les Blancs et les Noirs avaient des langues des signes qui leur étaient propres. La Fédération des Sourds d'Afrique du Sud (DeafSA) qui a été créée au milieu des années 90 a permis de développer et d'adopter la SASL comme une seule langue des signes, mais elle n'a pas encore été codifiée et de nombreuses écoles pour enfants sourds utilisent différents systèmes de langue des signes. La SASL est principalement utilisée lors de la retransmission d’événements à la télévision et de celle des sessions du parlement d’Afrique du Sud. La question de l'interprétation est un exemple malheureux de la discrimination contre les communautés sourdes en Afrique du Sud et est tout simplement embarrassante lorsque l’on sait que Mandela est le symbole de l'anti-apartheid et de l’unité en Afrique du Sud.

Nombre insuffisant d’interprètes qualifiés

Selon les dernières données de la DeafSA, son registre des interprètes SASL dispose d'un total de 84 interprètes, dont la moitié n’ont aucune formation et dont seulement 10 ont le plus haut niveau de formation. Les interprètes de la DeafSA sont payés deux fois plus que les interprètes SASL non reconnus par celle-ci, ce qui pourrait conduire ceux qui cherchent des services d'interprétation SASL à choisir les interprètes les moins coûteux, mais à quel prix ? Jantjie n’est probablement pas inscrit auprès de la DeafSA. Il n'a démontré aucune compétence en matière d'interprétation en langue des signes et a essentiellement insulté les nombreux interprètes en langue des signes qui ont travaillé dur pour apprendre et se faire reconnaître pour leurs compétences et leur rôle important au sein des communautés des sourds. Sa présence comme interprète au mémorial de Mandela est d’autant plus déroutante que cet événement était un événement de très haut niveau.

Processus de vérification douteux

L'Afrique du Sud a affirmé qu'elle enquêterait sur le processus de recrutement de Jantjie. Il est toutefois difficile de comprendre comment un interprète sans qualification, avec des problèmes mentaux présumés (il devait, semble-t-il, entrer dans un établissement psychiatrique le jour de l'événement et a affirmé qu'il souffrait de schizophrénie) et des antécédents judiciaires a pu se retrouver debout à côté de dirigeants du monde entier. Encore plus surprenant est le fait que Jantjie a également été engagé pour interpréter pour le président Zuma lors d'un précédent événement, offrant des services d'interprétation tout aussi incompétents. Le gouvernement sud-africain a très probablement retenu les services d’une agence d'interprétation pour obtenir un interprète pour le Mémorial. Dans ce cas, comment celle-ci pourrait-il embaucher Jantjie pour un tel événement sans procéder à la vérification des références ou des antécédents du candidat, à l'évaluation des missions passées, ou sans lui faire passer un test de compétence ? En outre, il était le seul interprète lors de l'événement de 4 heures alors que les interprètes travaillent généralement en équipe de 2, se relayant toutes les 30 mn.

Dans cette situation particulière, le coût d'utilisation des services d'un interprète incompétent va au-delà du gaspillage des ressources publiques. Cela a détourné l’attention du monde de l’importance de la mémoire de Mandela, provoqué un embarras inutile pour l'Afrique du Sud, empêché les communautés sourdes sud-africaines qui communiquent par SASL de suivre l'événement et insulté la profession d'interprète en langue des signes en général. Mais cet événement malheureux, nous l'espérons, permettra de porter plus d'attention à la question des services en langue des signes en Afrique du Sud et ailleurs et d’apprécier l'importance et l'efficacité de l'utilisation d'interprètes qualifiés.

NB:

La version anglaise de cet article est disponible sur le blog Jamii Afrika.

The English version of this article is available on Jamii Afrika blog.

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